Chapelles fribourgeoises, 16 randonnées d'un clocheton à l'autre

L'extrait ci-dessous est intégralement tiré de l'ouvrage de Serge Gumy intitulé Chapelles fribourgeoises, 16 randonnées d'un clocheton à l'autre. Véritable guide touristique et historique des chapelles fribourgeoises, nous vous encourageons vivement à vous le procurer.

La chapelle de Montban, Farvagny-Le-Grand

Que cet endroit est bucolique ! Aujourd'hui, Montban a des airs de "petit bois derrière chez moi". Rien de tout cela à l'époque de Jacques Jolion, début XVIIIè s. Montban est alors forêt pleine de mystères, et cette orée gueule béante prête à engloutir le marcheur... En traversant le bois de nuit, Jacques Jolion, de Grenilles, fils du meunier de Farvagny, "y apercevait à l'ordinaire du bruit dont il avait été diverses fois épouvanté". Effet de sa propre peut ? Pour s'en prémunir, le jeune homme place une statuelle de Notre-Dame des Ermites (la Vierge d'Einsiedeln) dans le creux d'un chêne. Et les apparitions subitement... disparaissent.
La statuette de Montban devient dès lors havre de paix dans un univers hostile et sauvage, elle est un premier pas vers sa domestication. Les gens de la région se mettent à prier Notre-Dame de Montban, et viennent en pèlerinage, parfois de loin (certaines sources disens de Savoie), d'abord devant le fameux chêne, puis à l'oratoire de bois où la statuette a été relogée. Là aussi, la vigueur du nouveau culte s'explique par les pouvoirs miraculeur attribués à la Vierge de Montban. D'ailleurs, alerté par cette poussée de religion populaire hors du pré carré de l'Eglise, l'évêque de l'époque, Mgr Claude-Antoine Duding, envoie le curré de Massonnens mener l'enquête sur place. Dans son rapport de juin 1726, son émissaire ne recense pas moins de 18 cas de "faveurs extraordinaires": des fidèles disens avoir été libérés d'un mal de hanche ou d'une plaie ouverte à la jambe, que ce soit après être allée eux-mêmes à Montban, après avoir envoyé des proches en ambassade ou, le plus souvent, simplement en invoquant la Vierge locale, moyennant la promesse d'une visite ultérieure. D'autres attribuent à Notre-Dame de Montban la guérison d'animaux domestiques - "une jument dangereusement malade", "une vache qui ne pouvait pas faire son veau", "une pauvre bête qui n'avait rien mangé pendant trois jours". 
Superstitions que tout cela ? Certainement, aux yeux des cartésiens que nous croyons être devenus. Mais aussi indice d'une culture où le miraculeux - l'extraordinaire, au sens premier du mot – se mêle intimement au quotidien. Chassez le surnaturel et l’Eglise s’en vient au galop… Est-ce pour encadrer cette piété populaire ou pour lui donner une meilleure assise, disons, plus « catholique » ? Mgr Duding, convaincu par son émissaire, permet aux gens de Farvagny d’édifier une chapelle à Montban en lieu et place de l’oratoire de bois. Le problème, c’est que la paroisse, désargentée, n’a pas les moyens de la construire. L’évêque confie alors le projet à « Dom Gallay », de Charmey, et à l’ancien bailli  de Corbières Jacques Vonderweid, dont on peut lire les noms inscrits dans l’entablement au-dessus de la porte d’entrée de la chapelle. Pour ce chantier, Vonderweid mandate les maîtres maçons Jacob Fasel et Claude Grauser, de Fribourg ; grâce à eux, Montban présente une qualité d’exécution typique des constructions patriciennes, mais plutôt inhabituelle en campagne.
La chapelle de Montban possède une architecture typique du XVIIIe s., avec son porche, sa façade en pierres de taille (comme à Posat et Farvagny-Le-Petit) très régulière, son clocheton octogonal et l’échelonnement harmonieux de la nef, du chœur et de la sacristie. A l’intérieur, derrière la grille en fer forgé (installée après un vol), se dresse un retable baroque tout en pointes, qui alterne avec fougue courbes et contre-courbes. Cette vigueur tranche avec le tableau gentillet des sœurs Richard. Juste au-dessus du tabernacle se dresse la statuette que Jacques Jolion aurait placée au creux d’un chêne.

GUMY, Serge, Chapelles fribourgeoises, 16 randonnées d'un clocheton à l'autre, Editions La Sarine, Fribourg, 2003, p. 109-111.